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11
fév

GIANT SAND : Une discographie

Giant Sand est un très grand groupe. Malheureusement, peu de monde le sait. D'ailleurs on n'en parle (presque) jamais dans la presse rock et leurs disques sont très difficiles à trouver, n'ayant pas eu l'honneur d'une réédition récente.

Giant Sand, c'est d'abord le groupe de Howe Gelb, maître-d'oeuvre de ce collectif à géométrie variable. Il y a cependant un noyau dur, le trio Howe Gelb - Joey Burns - John Convertino. Ces derniers ont rencontré le succès avec leur groupe Calexico. C'est une caractéristique de Giant Sand, ses membres appartiennent à d'autres bandes (Band of Blacky Ranchette, OP8, Calexico,...) et enregistrent également en solo. Plus qu'un groupe, c'est le centre d'une galaxie musicale.

La musique de Giant Sand est très américaine, pleine de guitares du désert, d'influences mexicaines et de paysages de cowboys. C'est une musique à la fois simple et complexe, aux arrangements raffinés et débouchant parfois sur des expérimentations jazzy-noisy explosives. C'est une musique très inspirée, même si parfois leurs disques sont probablement un peu trop longs.

Il faut simplement écouter et se plonger dans leur univers...

Notes : *pas terrible - **moyen - ***bon - ****très bon - *****indispensable.

Valley of Rain (1985) ***

Le premier Giant Sand est de facture assez classique, mais il porte fièrement dès le début la marque du groupe. Des titres dans l'ensemble rentre-dedans, basés sur des guitares acérées et incisives, avec une rythmique batterie/basse sans fioritures ni concessions. La voix de Howe Gelb est rageuse, le rythme ne faiblit guère.
Les titres sont plutôt bons, carrés et efficaces, et le disque se déroule sans temps-mort. Beaucoup d'énergie et presque parfois de fureur, débordent de ces morceaux parfois sombres, mais toujours accrocheurs.
Même lorsque le tempo ralentit, qu'une ballade s'esquisse sur une guitare sèche qui évoque l'Ouest, la tension demeure et les musiciens ne relâchent pas la pression.
Au final une très bonne entrée en matière, même si on n'en est pas encore aux splendeurs à venir.

Ballad of a Thin Line Man (1986) **

Est-ce le redoutable "syndrome du deuxième album" ? Toujours est-il que ce deuxième opus de Gelb est certainement le plus faible de sa discographie.
On a l'impression d'une redite du premier, mais moins inspirée. La plupart des morceaux ne décollent pas vraiment. Tous les ingrédients du groupe sont pourtant là, mais il manque quelque chose.
Et pourtant, il y a des moments où on a l'impression que ça va démarrer, et certains titres sont dignes de l'album précédent. Mais, rien à faire, ça retombe avec le titre suivant.
Dans l'absolu, c'est un album très recommendable, bien meilleur que la plupart de ceux qui sont sortis à la même époque. Mais, incontestablement, c'est le moins bon Giant Sand.

Storm (1987) ****

Dès les premières secondes, on sent qu'il se passe quelque chose de grand. Le son est énorme, le riff de guitare est tellement évident qu'on se demande comment personne n'y avait songé plus tôt, la voix de Gelb arrive, rugueuse comme jamais, on sent le frisson vous gagner.
Et ça continue comme ça tout le long de l'album.
Avec Storm, Giant Sand a franchi un grand pas. Howe Gelb compose bien mieux, le son est beaucoup plus clair, beaucoup plus puissant aussi, et les compositions, plus complexes, sont servies par des arrangements brillants.
Nous avons ici le premier chef-d'oeuvre de Giant Sand, impeccable d'un bout à l'autre, exemple parfait de ce desert-rock qui sera la marque de fabrique de tous les albums du groupe.
Et cependant, le meilleur est à venir...

The Love Songs (1988) *****

Qu'est-ce qu'un grand disque ? Ce sont d'abord de grandes chansons. C'est un disque sans véritables faiblesses, sans bouche-trou, même si tous les morceaux ne se valent pas complètement. C'est un disque bien enregistré, avec un son dément et des arrangements superbes. C'est un disque bien joué, avec des musiciens qui assurent et un bon chanteur. Et enfin, au-dessus de tout ça, c'est un disque que, lorsque vous le réécoutez pour la centième fois, vingt ans après l'avoir connu, vous avez envie de remettre tout de suite.
Vous l'avez compris, c'est le cas de "Love Songs". Voici une oeuvre exceptionnelle, un monument comme il n'en existe que quelques dizaines dans l'histoire du rock. Howe Gelb y est au mieux de sa forme, il a atteint ici ce qu'il cherchait depuis le début, un équilibre miraculeux entre classicisme américain, inspiration et avant-garde (pas trop envahissante tout de même).
Je peux écouter ce disque n'importe quand, il me fait toujours le même effet. J'y découvre à chaque écoute une raison supplémentaire de l'aimer. Pour moi, c'est un des dix disques que j'emporterais dans l'île déserte. Je n'attends qu'une chose ; qu'il soit dignement réédité en CD, mais alors un objet superbe, hein, pas de ces petits machins cheap qu'on nous refourgue à des prix honteux.

Long Stem Rant (1989) ***

Qu'il doit être difficile de faire un autre disque après un tel chef-d'oeuvre que "Love Songs" ! Et qu'il est dur d'être objectif quand on l'écoute ! C'est ce que doit s'être dit Howe Gelb, et il a décidé de brouiller les pistes. Tout en étant un continuateur direct de "Love Songs" (quelques chansons n'y dépareraient pas), c'est aussi un disque de rupture.
Incontestablement, en voulant diversifier son approche, en allant s'aventurer sur des terres nouvelles (punk, jazz, musique de bar,...), l'oeuvre perd en cohérence et donc en force. Et puis, c'est aussi le début des disques marathons, un peu épuisants pour l'auditeur (20 titres sur la version CD, là où "Love songs" s'en tenait à 10) dont Giant Sand va se faire le spécialiste.
Oh bien sûr, l'ensemble reste de très haut niveau, en un sens on peut même penser que c'est excellent. Mais on ne peut se défaire d'un sentiment de malaise devant cette volonté de tout mélanger, de toucher à trop de choses. Et on se dit que s'il n'y avait que la moitié des chansons, ça ne serait pas plus mal. Tiens, en prenant les 10 meilleures, on n'aurait pas été si loin de "Love Songs", sans rire. Mais enfin, ça reste un bon disque...

Swerve (1990) ****

Retour aux fondamentaux pour cet album, qui retrouve aussi un format plus condensé : douze titres, comme à la grande époque. Les guitares twang, la batterie sèche, la basse voluptueuse, nous voilà de retour dans les paysages désertiques de l'Ouest américain. De temps en temps, assoiffés par le soleil et la poussière, on entre dans un saloon où un vieux piano bastringue distrait les clients.
Tout le Giant Sand qu'on aime est là. Howe Gelb commence à laisser de la place aux autres dans les compositions, notamment à John Convertino, ce qui n'affaiblit pas les titres, bien au contraire. Une reprise de "Every grain of sand", l'un des (rares) grands morceaux du Dylan des années 80, prouve une fois de plus le goût parfait de ces gens-là.
Un très bon album, presque aussi bon que "Storm", presque...

Ramp (1991) ****

L'album commence fort. Un riff vicieux, une mélodie que l'on chantonne tout de suite, la voix énervée de Howe Gelb, on sent qu'on n'est pas là pour rigoler. Arrive le refrain, avec une voix féminine, celle de Paula Brown, compagne de l'époque de Howe Gelb. C'est certainement une des originalités du disque, cette présence de Paula, qui apporte un plus, particulièrement dans les refrains.
La suite est du bon Giant Sand, avec quelques morceaux grandioses, mais aussi quelques morceaux plus dispensables, ce qui empêche "Ramp" d'être placé au même niveau que "Love Songs" ou "Storm". Le disque forme finalement un bon duo avec "Swerve" et fait partie des meilleurs Giant Sand.

Centre of the Universe (1992) ****

Sous une couverture d'un goût un peu douteux, cette nouvelle livraison de Giant Sand ne se démarque pas réellement des précédentes. Sans doute pas assez, en fait.
Ce qui signifie que l'on a là un bon, très bon album, mais que l'on commence à avoir un peu l'impression de répétition. Les chansons sont toujours bonnes, le groupe en forme et Howe Gelb fidèle à ses choix, explorant encore les mêmes terrains.
Bien sûr, dans l'absolu, cela en fait une oeuvre tout-à-fait recommendable. Mais on ne peut se défaire de l'impression que le groupe commence à tourner en rond. Peut-être est-ce dû au rythme auquel les albums sont publiés (un par an depuis 1985), peut-être le filon commence à s'épuiser, ou bien Gelb perd l'inspiration...
Bref, on reste insatisfait. Injustement, certainement, et c'est pour cela qu'après beaucoup d'hésitations, j'ai maintenu 4 étoiles. Mais, vous l'avez compris, ce n'est pas mon Giant Sand préféré.

Purge & Slough (1993) **

Ce disque présente deux imperfections : il manque de cohérence et il est trop long. Certes, il y a là-dedans de très bonnes choses, mais noyées dans d'autres beaucoup plus dispensables. Howe Gelb, à force de diversifier ses approches, se perd quelque peu. Le touche-à-tout a des limites et elles sont perceptibles ici.
Le problème, avec ce disque, c'est que lorsqu'il est fini, on n'en a pas retenu grand-chose. Peu de chansons semblent indispensables, on vibre rarement, et l'impression qu'on en garde est de quelque chose d'à la fois touffu et confus, mais d'où n'émerge rien de grandiose.
Le groupe s'égare dans de curieux territoires. Les chansons crépusculaires aux arrangements minimaux alternent avec des explosions noisy et des incursions dans la musique concrète... Bref, c'est peu convaincant, et pourtant, il y a des instants où l'on retrouve tout le génie de Giant Sand. Un disque raté, même si on peut y trouver des bons moments.

Glum (1994) ***

Retour aux sources pour cet album, après les errances du précédent. Le format est plus traditionnel (11 chansons), et les chansons, mieux écrites, sont plus convaincantes. Le disque démarre fort, avec trois excellents premiers morceaux qui rappellent les meilleures époques. Serait-on revenu au niveau de Swerve ou Ramp ?
Malheureusement, la suite n'est pas du même niveau. Les 3 ou 4 titres suivants renouent avec certains problèmes des albums précédents, expérimentations jazzy-noisy qui cherchent à masquer un certain manque d'inspiration. Vers le milieu de l'album, à nouveau deux ou trois bons morceaux et on se dit que c'est reparti, mais la fin est un peu foireuse.
Glum est certainement symptomatique de la situation du groupe à l'époque. La lassitude se ressent dans ces compositions parfois un peu bâclées, qui côtoient cependant des très bonnes choses qui laissent à espérer que tout n'est pas fini. En tout cas, c'est la fin d'une époque pour Giant Sand, qui va sortir pour un temps de l'actualité.

Chore of Enchantment (2000) ****

Six ans sans un nouvel album, c'est long, surtout quand on est un admirateur de ce groupe. Quand enfin Chore of Enchantment paraît, on n'y croit plus. Soudain, l'angoisse nous tenaille : que va donner ce nouvel opus, après six ans de silence ?
On est rassuré très vite, même si le démarrage par un extrait d'opéra déconcerte (il y en aura d'autres extraits par la suite). Ce qui suit est tout bonnement remarquable. Nous voici replongés dans cette musique du désert, si caractéristique du combo. Dans l'ensemble, la tonalité du disque est cool, presque apaisée. Les chansons, excellentes, se déroulent comme dans un film de Sergio Leone, langoureusement, avec parfois de violentes déflagrations qui relancent l'action. Howe Gelb chante mieux que jamais et est dans l'ensemble particulièrement inspiré.
Sans conteste, voici un des meilleurs disques du groupe, sans faiblesse, et qui s'impose au fil des écoutes. Giant Sand signe là un retour tonitruant, en commettant sa meilleure oeuvre depuis Love Songs. A avoir absolument !

Cover magazine (2001) ****

Attention ! Ce disque est un disque de reprises. Mais pas n'importe lequel ; des reprises par Giant Sand, ça devient du Giant Sand ! A côté de choses évidentes, voire attendues, le groupe montre un bel ecclectisme dans ses choix.
Les influences américaines ne surprennent pas ; Neil Young, Johnny Cash, Roger Miller (et son inusable King Of The Road) font bien partie de l'univers musical de Giant Sand. Quelques reprises plus récentes semblent également logiques : P.J. Harvey et Nick Cave semblent évidents par exemple.
Mais il y a également des choses plus inattendues : X, Black Sabbath, Goldfrapp, Sonny & Cher (superbe reprise de The Beat Goes On), tous passés à la moulinette Giant Sand, s'intègrent finalement très bien à l'ensemble.
Pour finir, Giant Sand se reprend lui-même et rend aussi hommage à leur ami disparu Rainer Ptacek, avec une très belle chanson qui évoque un peu Uncle Tupelo.
J'avoue que ce disque m'a déconcerté au départ. Aujourd'hui, je le considère comme vraiment excellent, il mérite ses quatre étoiles !

Is All Over the Map (2004) ***

Giant Sand a toujours été une affaire d'atmosphère. "It's just a mood" dit Howe Gelb, l'incarnation du groupe. Le problème, c'est quand l'atmosphère prime sur le reste. Et c'est bien là le problème de ce disque. Howe a tellement tout basé sur les ambiances qu'il a un peu oublié de composer des vraies chansons.
De plus, je ne sais pas ce qu'il lui est arrivé : mal de dent ? Trop écouté Queen Of The Stone Age ? En tout cas, le son est rude, presque agressif, ce qui rend le disque un peu fatigant.
Il y a bien sûr quelques très bons passages, comme toujours avec Giant Sand. Mais on ne peut se défaire de l'impression que Howe Gelb pensait à autre chose. Les ambiances habituelles (Ouest américain, désert, bar bastringue,...) sonnent un peu forcées, artificielles.
Mais, encore une fois, le problème majeur de ce disque est qu'il n'a y a pas de grandes chansons. Tout cela manque cruellement de mélodies. Au final, un disque un peu mineur dans la production du groupe, mais dans l'absolu, un assez bon disque quand même. Je ne conseillerais juste pas de commencer par celui-ci pour aborder l'oeuvre passionnante de Howe Gelb et ses troupes.

10
fév

49th Parallel


Il y a fort à parier que ce nom ne vous dise pas grand-chose...
Voila bien l'illustration de la qualité extraordinaire de la musique des années 60. Ce groupe, aujourd'hui à peu près aussi connu que , au hasard, Arzachel (dont je reparlerai prochainement), c'est-à-dire complètement cryptique, a pourtant commis en 1969 cette oeuvre digne de bien des choses (injustement) plus médiatisées.
Car enfin, voila un groupe canadien (canadien !) qui en quelques chansons superbement écrites, fait un panorama de la musique psychédélique à coloration sunshine pop teintée de soul, que bien des groupes ayant les faveurs des radios auraient du mal à égaler.
Il y a ici du Love (parfaitement, du Love !), du Byrds, du Lovin' Spoonful, du Kinks, du Electric Prunes, du Small Faces, du Action, du... du..., enfin beaucoup de choses.
Bref, 49th Parallel ratissaient large. Mais ne se perdaient pas en route. De la pop psyché gorgée de fuzz et d'orgue aigrelet à la soul vénérée des mods, en passant par du folk ensoleillé, il y en a pour tous les goûts.
Quant aux chansons, elles sont tout simplement excellentes, évidentes de simplicité mélodique et de riffs vicieux.
Essayez, vous ne serez pas déçu !

02
fév

SHOCKING BLUE

Il y a quelques mois, Mariska Veres, chanteuse de Shocking Blue est morte d'un cancer. Son décès n'a pas fait la une des journaux. Il est vrai qu'en France, qui se souvient de ce groupe ?
Et pourtant... Mettez "Venus" sur la platine, et tout le monde se rappelle ce titre monstrueux, un tube interplanétaire en acier inoxidable.
Un tel succès a en fait été plutôt néfaste à la carrière du groupe. Après ce raz-de-marée, il était difficile de sortir un titre de la même force.
Ce qui est étonnant, c'est que presque 40 ans plus tard, réécouter Shocking Blue vaut vraiment la peine. Je ne possède que les deux premiers albums, mais c'est de l'or en barre. En fait, j'ai vraiment été stupéfait de la qualité des chansons qui composent ces deux authentiques chefs-d'oeuvre.
Si le premier, "At home", a l'avantage de posséder Venus et deux ou trois autres excellents morceaux, c'est surtout le deuxième, "Scorpio Rising", que je retiendrais. Il est en effet plus homogène. Si aucune chanson n'est de la force de Venus, aucune n'est faiblarde (contrairement au premier).
Cet album possède vraiment une atmosphère unique. Les morceaux sont très bien composés, intégrant des éléments très américains, qui préfigurent un peu la "musique du désert" de Calexico et autres. Mariska y chante divinement, et le groupe assure musicalement.
Les deux albums sont vraiment très intéressants, et de plus ont très bien vieilli. Ça ne sonne pas du tout daté, ça reste d'une fraîcheur épatante.
Bubblegum ? Pas vraiment. C'est quand même du rock, avec des guitares très présentes et incisives. Certains morceaux balancent même pas mal.
En résumé, deux excellents disques, que je mets dans mes favoris de cette période si riche. Vivent les Pays-Bas !

01
fév

JULY - July (1968)


Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'un disque vraiment très psychédélique. July est son nom, à la fois celui du groupe et celui du disque. D'eux, je ne sais quasiment rien, sinon qu'ils n'ont existé qu'un an sous ce nom, laissant derrière eux cet OVNI musical.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que cette oeuvre est complètement droguée. A l'image de la pochette de l'album, totalement sous influence, leur musique est gravement barrée.
Les morceaux sont des modèles de psychedelia, utilisant presque jusqu'à l'écoeurement les tics de cette époque. Voix déformée, instruments bizarroïdes, guitares saturées d'effets, orgues baveux, rythmes complexes. Mais ce qui est important, c'est que les chansons sont bonnes.
On a du mal à se convaincre qu'un tel disque, absolument jouissif et d'une qualité générale étonnante ait pu tomber à ce point dans l'oubli, au point de ne faire l'objet d'aucune réédition CD.
UN MUST !!!